31 juillet 2023
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écrit par 
Anna Míšková, historienne au musée de la culture rom, Brno, et présidente du comité du génocide des Roms de l'IHRA pour 2023

Distorsion du génocide des Roms et de la discrimination anti-Roms aujourd'hui

Le 13 mai 1995, quatre jeunes hommes âgés de 17 à 21 ans se sont introduits dans une maison familiale à Žďárnad Sázavou, en République tchèque, où vivait une famille rom. L'un d'entre eux a frappé Tibor Berky à plusieurs reprises à l'arrière de la tête avec une batte de base-ball, lui causant des blessures mortelles. Tibor Berky était le père de cinq enfants qui ont été témoins du meurtre. Ce meurtre à motivation raciale est l'un des nombreux meurtres de ce type qui ont eu lieu en République tchèque dans les années 1990. Il a culminé avec le lancement de cocktails Molotov dans la maison d'une famille rom, qui a causé des brûlures au troisième degré sur 80 % du corps d'une fillette de deux ans, Natálie, lorsque la bouteille est tombée dans son berceau. La petite fille a survécu, mais elle en gardera des séquelles toute sa vie.

Le jour même où Tibor Berky a été tué, la première cérémonie de commémoration a eu lieu à Lety u Písku en présence du président tchèque Václav Havel. Un monument aux Roms qui ont péri dans le camp de concentration de Lety u Písku pendant la Seconde Guerre mondiale a été inauguré, tandis qu'une grande ferme porcine se dressait juste à côté.

En février 2018, quelques mois seulement après l'annonce de l'intention d'acheter la porcherie de Lety u Písku, une tête de porc a été placée sur le mémorial dédié aux victimes roms. L'auteur de l'acte a déclaré qu'il voulait exprimer sa désapprobation quant à l'utilisation de l'argent de l'État pour acheter la porcherie, qui se trouve sur le site d'un ancien camp de concentration pour les Roms. Miroslav Brož, militant et président de l'association tchéco-romaine Konexe, a déclaré qu'il pensait qu'il s'agissait d'une conséquence de l'état d'esprit de la société tchèque et de la remise en question ou de la minimisation du génocide des Roms et des Sintis, qui est un phénomène largement répandu en République tchèque et au-delà.

Manque de reconnaissance des crimes commis à l'encontre des victimes roms et sinti

Les atrocités commises pendant l'ère nazie continuent de jeter une longue ombre sur l'histoire. Non seulement six millions de Juifs ont été impitoyablement anéantis, mais aussi un groupe souvent oublié : les Roms et les Sinti. La discrimination à l'encontre de ce groupe ethnique n'a pas pris fin avec la libération des camps de concentration, mais continue de persister, comme en témoignent la déformation et la négligence généralisées du génocide des Roms.

Malheureusement, le génocide du peuple rom reste l'un des crimes les moins connus de l'ère nazie. Ce manque de reconnaissance est une forme néfaste de distorsion qui sert à perpétuer des stéréotypes préjudiciables et une discrimination permanente à l'encontre de la communauté rom. Il s'agit d'un rappel brutal que la distorsion ne se limite pas à la négation ou à la minimisation de l'Holocauste, mais qu'elle s'étend également à d'autres victimes. Nous sommes encore confrontés au déni ou à la remise en question des souffrances des Roms et des Sintis pendant la Seconde Guerre mondiale. La société continue de penser que les Roms ont été assassinés en raison de leur mode de vie et de leur "inadaptation", voire de leur "criminalité héréditaire".

La déformation du génocide des Roms a un impact sur notre société

La distorsion menace de déstabiliser la vérité historique, de déformer la mémoire collective et de compromettre l'intégrité des enseignements tirés de cette grave catastrophe en matière de droits de l'homme. L'effacement du génocide des Roms dans les récits des crimes nazis symbolise une marginalisation sociétale permanente, renforçant des siècles de préjugés, de stigmatisation et de discrimination.

La distorsion de l'histoire, sous ses diverses formes, est une arme puissante utilisée pour alimenter la haine, l'extrémisme et la xénophobie. La déformation du génocide des Roms n'est pas un mensonge historique isolé : elle se répercute dans le présent et a un impact direct sur le statut social et la santé mentale de la communauté rom. Les préjugés persistants à l'encontre du peuple rom, qui se manifestent par l'exclusion sociale, la discrimination et la ségrégation, révèlent une continuité troublante avec le passé.

C'est précisément la raison pour laquelle nous devons continuer à informer sur les atrocités du génocide des Roms, à commémorer les victimes, à soutenir la recherche et la diffusion de ressources fiables sur le sujet. C'est pourquoi nous devons soutenir les institutions telles que les musées et les mémoriaux, qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre l'antisémitisme et l'antitsiganisme aujourd'hui.

En mémoire des victimes, pour la dignité des survivants et pour l'avenir des droits de l'homme et de l'égalité, unissons-nous contre la déformation des crimes de l'ère nazie. Souvenons-nous du génocide des Roms, non pas comme une note de bas de page oubliée de l'histoire, mais comme un rappel brutal des dangers des préjugés.

‍Lesopinions exprimées par les contributeurs individuels du blog ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne, de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste, du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE, des Nations unies, de l'UNESCO, ou des fonctionnaires des États membres de la Commission européenne, de l'IHRA, du Bureau des institutions démocratiques de l'OSCE, des Nations unies et de l'UNESCO.

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